"Est-ce qu'on utilise l'IA pour apprendre ou pour éviter d'apprendre ?"
- Estelle Borgeat
- 14 nov.
- 4 min de lecture
Hier j’ai eu la chance de participer à la rencontre annuelle organisée par Loyco et HR Today autour du futur du travail. J’étais là-bas avec ma casquette FSE, mais le sujet m’inspire trop pour que je n’écrive pas un article complémentaire pour QDS.
"Est-ce qu’on utilise l’IA pour apprendre ou pour éviter d'apprendre ?" C’était la question de Gregory Pouy, un des conférenciers, qui m'a le plus percutée.
L’IA c’est une révolution parce qu’elle répond à un besoin primaire de l’être humain : préserver un maximum d’énergie.
Donc si on nous donne accès facilement à un outil qui nous évite de devoir faire notre travail, on va évidemment l’utiliser.
Surtout qu’une fois qu’on y a goûté, quelque chose en nous se dit : à quoi bon écrire cet article par moi-même alors que l’IA n’aura besoin que de quelques éléments pour fournir quelque chose qui fera l’affaire.
Mais que se passera-t-il chez moi, celle qui jusqu’ici a pris des heures pour écrire, pour affiner son style, pour réaliser des articles qui, je l’espère, touchent, impactent celui ou celle qui les lit.
Me sentirais-je aussi fière quand mon article aura été généré exclusivement par une IA ?
Aurais-je encore envie de faire ce que je fais dans 6 mois, dans 10 ans ? En serai-je seulement capable ?
Parce qu’une des conséquences principales de l’utilisation quotidienne de cette forme d’intelligence, c’est qu’on perd en compétences. Ce qui est quand même un peu triste quand on voit toutes les années qu’on a passées à chercher comment s’enrichir intellectuellement, comment affiner nos façons de penser.
Donc ça soulève une question de sens : qu’est-ce que je ferai demain, de mon temps, si la machine est capable de réaliser ce que je faisais hier ?
Vais-je l’utiliser pour scroller sur les réseaux sociaux et finir ma journée épuisée non pas par un travail correctement effectué, mais par un manque d’accomplissement, de stimulation ?
Qu’en est-il de ce temps que je passe à échanger avec une machine au détriment d’une conversation avec mon collègue de bureau ? Mais d’ailleurs, quand est-ce que je le vois en dehors d’un écran ?
Et si on regardait la chose différemment, avant de parler de la machine, de l’outil, si on prenait un moment pour lister ce qui nous anime vraiment ?
Qu’est-ce qui me remplit de joie, qu’est-ce que je refuse d’abandonner parce que ça contribue à me donner envie de me lever ?
Pour moi c’est écrire, c’est sentir mes doigts danser sur ce clavier, c’est être portée par ce frisson qui m’aide à trouver le mot suivant. C’est aussi réunir des femmes, des hommes, pour s’arrêter, pour échanger sur ce qui touche, nous questionne, pour qu’on se rappelle qu’on est des êtres vivants et pas des machines à produire sans réfléchir.
Parce que, comme le disait Gregory Pouy, on n’est toujours pas capable aujourd’hui de démontrer que l’arrivée de l’informatique nous a aidés à être plus productifs.
Et ça ne me surprend pas du tout, quand je vois le nombre d’heures qu’on perd à essayer de comprendre des outils informatiques, à transférer des données d’un endroit à un autre, sans compter tout le temps qu’on passe à chercher des informations impossibles à retrouver.
Tout ce temps qu’on n’investit pas pour renforcer nos liens avec nos voisins ou pour lire un bouquin, mais pour traiter des données et espérer qu’un jour les informations qu’on a regroupées, réorganisées, serviront à quelqu’un d’autre.
Parce que le sentiment d’utilité est plus important que celui d’avoir réussi à fournir. C’est le chemin, la façon dont on fait les choses qui restent en mémoire.
Quand j’écris un article, je le relis à plusieurs reprises, et quand c’est l’IA, je ne relis pas plusieurs fois.
Mes articles ont du rythme, ils donnent envie de découvrir la suite. Et je ne crois pas que la machine puisse créer cela.
J’ai essayé de l’utiliser pour la rédaction parce que je suis moi aussi fainéante de nature, mais je continue, et encore plus grâce à l’événement d’hier, à être convaincue que nos rares talents on a meilleur temps de les préserver.
Ce qui signifie, s’entraîner, travailler, se contraindre même si, sur le coup, ça me demande plus d’effort que de rédiger un prompt. Ce qui ne veut pas dire que je n’utilise pas l’IA, bien au contraire, parce qu’elle peut me donner des idées de lieux pour organiser une retraite autour de la créativité. Elle peut me recommander un ouvrage à lire sur un sujet qui m’intéresse et, bien sûr, elle peut continuer à faire toutes ces tâches qui m’ennuient et pour lesquelles je n'ai aucun véritable talent.
Comme ça, avec le temps que je gagne, je peux écrire la suite de mon roman, prolonger d’une heure mon café avec ma sœur ou organiser plus de rencontres en nature avec les membres d'Entre Elles.
Pour aller plus loin sur le sujet découvrez le livre blanc publié hier par Loyco : https://www.loyco.ch/actualites/livre-blanc-loyco-2025-ia-et-rh/
Un immense merci à l'équipe de l'organisation pour la qualité de cet événement !




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